Marie, récit d'une GPA
- Albin Serviant
- 2 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 sept.
Alors que la loi sur le mariage pour tous n'est pas encore passée en France, François-Xavier et Thomas souhaitent un enfant. Ils se tournent alors vers la gestation pour autrui, une forme d'assistance médicale légale aux Etats-Unis. Débute alors une démarche lente et compliquée, jusqu'à l'arrivée de Marie; belle histoire en plein COVID ,racontée en BD sur laquelle François-Xavier et Thomas reviennent pour Pigments Project.

François-Xavier et Thomas, votre histoire personnelle est au cœur de cette bande dessinée. Comment avez-vous collaboré avec Théa Rojzman et Marie Jaffredo pour retranscrire vos émotions et les défis de votre parcours dans ce format graphique ?
Tout s’est fait très simplement. Nous connaissions déjà le travail de Marie Jaffredo, notamment son roman graphique Yuan, journal d’une adoption, que nous avions beaucoup aimé. Nous étions donc ravis qu’elle accepte de collaborer avec nous. Marie s’intéresse de près aux questions de filiation, et c’est ce qui l’a motivée à rejoindre le projet. Quant à Théa, c’est notre éditeur qui nous a soufflé son nom. Et c’est aussi elle qui a eu cette excellente idée : ne pas se limiter à la GPA en tant que telle, mais élargir le propos à nos parcours personnels, en tant qu’homos, de l’enfance à l’âge adulte. Et c’est vrai que lorsqu’on est né homo dans les années 80, et qu’on prend un peu de recul, on se rend compte que tout n’a pas été simple. Le sida a été omniprésent dans la construction de nos identités. On a grandi avec une droite farouchement opposée au Pacs, et vu 1,4 million de Français défiler contre le mariage pour tous… Et encore, on ne parle même pas des générations d’avant. Théa a une manière bien à elle de travailler : elle pose énormément de questions, très précises, et tire le fil. On a répondu à une multitude d’interrogations ! Marie, de son côté, est d’une extrême précision dans son dessin. L’appartement qu’on voit dans le livre ressemble vraiment aux nôtres, la couverture représente ce petit chemin qui mène à la plage où nous allons chaque année. Nous n’avons jamais vraiment discuté avec elles de leur position sur la GPA. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment le sujet. Ce qui nous semble important, c’est d’essayer de comprendre, de creuser, de nuancer. Et surtout, de ne pas tomber dans la facilité d’un simple "oui" ou "non".
Votre témoignage met en lumière les complexités juridiques, financières et émotionnelles de la GPA éthique aux États-Unis. Pensez-vous que l’approche narrative de Théa Rojzman et le style visuel de Marie Jaffredo ont permis de sensibiliser efficacement le public français à ce sujet encore controversé ?
La raison d’être de ce livre, pour nous, c’est avant tout de faire œuvre de pédagogie. Nous sommes heureux d’avoir pu aborder ce sujet sur France Inter, France 3, et d’autres médias. Tous les sondages publiés à ce jour montrent que les Français sont majoritairement favorables à la GPA. Et si chacun comprenait que l’enfant porté par une mère porteuse n’est pas son enfant biologique, les chiffres seraient sans doute encore plus élevés. Il existe malheureusement une grande désinformation sur le sujet, entretenue par certains responsables politiques – en tête Marion Maréchal, François-Xavier Bellamy ou Gabrielle Siry-Houari – ainsi que par plusieurs médias comme Europe 1, le JDD, Sud Radio, CNews, et hélas, Le Figaro. Aujourd’hui tous ces médias donnent la parole à Olivia Maurel qui a rédigé un livre anti-GPA, sans la contredire lorsqu’elle déclare comme sur Sud Radio que les enfants nés par GPA sont souvent victimes d’inceste. On l’a vu aux Etats-Unis a force de marteler des mensonges les gens finissent par y croire, donc pour contrer cela il n’y a qu’une solution la pédagogie permanente.
En France, où la GPA reste illégale, votre histoire peut soulever des questions éthiques et sociétales. Selon vous, en quoi cette bande dessinée, portée par le talent de Théa Rojzman et Marie Jaffredo, peut-elle contribuer à faire évoluer les mentalités ou même le débat législatif ?
Nous comprenons parfaitement que la GPA puisse interroger, voire susciter une opposition sincère : c’est un sujet intime, complexe, et profondément humain. Mais la réalité, c’est que la GPA existe déjà ailleurs dans le monde, et elle ne disparaîtra pas simplement parce qu’on la rejette en France. Nous savons aussi que pour certaines personnes, ce débat est tout simplement inaudible. Notamment pour celles et ceux convaincus que toutes les femmes ont un instinct maternel, qu’elles s’attachent viscéralement à l’enfant qu’elles portent dès les premières semaines de grossesse, comme s’il s’agissait d’une loi universelle. Dans cette vision-là, il devient presque impossible de parler de GPA. Et pourtant, si vous discutez avec des mères, vous verrez que toutes n’ont pas ressenti un amour immédiat dès le premier mouvement du fœtus. Bien au contraire. Certes, ces cas ne sont peut-être pas majoritaires, et nous n’avons aucun mal à le reconnaître. Mais ils existent, et ils méritent d’être entendus. Notre histoire avec Isabella et Kelsey, les mères porteuse et biologique de notre fille Marie le démontre. A travers ce livre, on a vraiment voulu montrer que dans une GPA il et avant tout question d’humanité, de rencontres et d’amour.




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