Égalité & Victoire : la démocratie ukrainienne en temps de guerre
- Thierry Jadot
- 7 juil.
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Le 13 mars 2023, alors que Bakhmout tombe aux mains des forces russes, la députée Inna Sovsun dépose au parlement ukrainien, la Verkhovna Rada, un projet de loi singulier dans le contexte de guerre totale. Il porte le numéro 9103 et vise à instaurer un partenariat civil pour tous les couples ukrainiens, quelle que soit leur orientation sexuelle. Le texte garantit les mêmes droits en matière de succession, de consentement médical, de patrimoine et de protection sociale. En mai, deux commissions parlementaires en approuvent l’examen. À la même période, le Parlement russe, la Douma, étend la loi “anti-propagande LGBTQ+”, interdisant toute représentation positive de l’homosexualité dans l’espace public. Sur le front, l’armée ukrainienne reprenant des positions clés après des semaines de combats. En octobre 2023, le ministère de la Justice ukrainien déclare le projet conforme à la Constitution. À la même période, la Cour suprême russe classe le “mouvement LGBT international” parmi les organisations extrémistes, permettant la fermeture de lieux associatifs et l’arrestation de militants. Dans l’oblast de Donetsk, la bataille fait rage, causant des milliers de morts civils et militaires. Au printemps 2025, l’Ukraine mène l’opération Spiderweb, frappant avec des drones des bases aériennes russes en territoire profond pendant qu’à Kyiv, les députés du peuple inscrivent le projet de loi n° 9103 dans la feuille de route du pays vers l’Union européenne. À Washington, l’administration Trump suspend les livraisons d’armes, supprime la reconnaissance des identités de genre et coupe le soutien aux jeunes LGBTQ+. À Moscou, la Douma criminalise toute mention des droits LGBTQ+, assimilée à de la propagande antinationale. Pendant que la Russie verrouille ses lois, réprime les voix dissidentes et criminalise les personnes LGBTQ+, l’Ukraine débat et ancre son droit dans les valeurs démocratiques de l’Europe. Ce geste fait écho à une autre résistance, près d’un siècle plus tôt, lorsque Jean Moulin organisait la lutte contre l’occupant nazi tout en préparant la France d’après, une France républicaine libre et démocratique. Inna Sovsun, Volodymyr Zelensky et les parlementaires ukrainiens, en préparant sous les bombes leur avenir européen, donnent une actualité saisissante à cette maxime d’Albert Camus : « C’est au milieu de l’hiver que j’ai découvert en moi un invincible été. » Ce qui se joue à Kyiv nous engage ici aussi. Ce n’est pas seulement un conflit de territoires, certes à nos portes, c’est une guerre que Vladimir Poutine et ses affidés idéologiques à l’Ouest mènent contre ce qui nous fonde en tant qu’Européens, une communauté de peuples attachée à l’égalité, au droit, à la mémoire et à la démocratie. Depuis 2024, les marches des fiertés ukrainiennes portent un mot d’ordre fédérateur sans équivoque : « Égalité & Victoire ». L’égalité n’est pas la conséquence de la victoire. Elle lui est consubstantielle. Deux promesses délibérément liées, qui servent avec la même intensité la mère de toutes les batailles : la liberté.
Thierry Jadot




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